Nous développerons ici les implications et actions de Voltaire dans différentes affaires judiciaires. Ce philosophe, poussé par les idées des Lumières combattit ardemment le fanatisme, l'intolérance, et bien d'autres. Voltaire est un homme de justice, il joint donc l'acte à la parole et s'impliqua dans diverses affaires judiciaires ayant besoin d'idées éclairées tant l'obscurantisme les enserrait de sa présence étouffante, telles l'affaire Calas, l'affaire Sirven, Lally et celle du Chevalier de La Barre. Nous connaissons Voltaire en tant que philosophe et écrivain à travers des contes philosophiques comme Zadig ou Candide, cependant nous abordons ici un "Voltaire avocat" pour reprendre la formule de Rémy Bijaoui auteur du livre du même nom.
L'affaire Calas n'intéresse tout d'abord pas Voltaire qui croit alors à leur culpabilité et à un excès de fanatisme huguenot. Cependant, les contradictions du jugement le font changer d'avis: en effet, comment croire qu'un homme de soixante-huit ans, fatigué, dont les jambes le soutenaient à peine, pouvait étrangler et pendre son fils ? Comment la servante catholique aurait-elle laissé des huguenots pendre leur fils catholique ? Il s'informera auprès de nombreuses sources "je veux savoir de quel côté est l'horreur du fanatisme" écrit-il au cardinal de Bernis le 25 Mars 1762. Il constate alors l'incohérence du jugement qui est selon lui "le jugement le plus inique sur les indices les plus trompeurs", "La motif de l'arrêt était aussi inconcevable que tout le reste", sans pour autant remettre en cause la bonne foi des juges. Il s'insurgera cependant contre les monitoires (sortes d'appels à témoins) "ces Wisigoths ont pour maxime que quatre quarts de preuve, et huit huitièmes, sont deux preuves complètes, et ils donnent des oui dire le nom de quarts de preuves et de huitièmes".
Pour faire connaître à l'opinion publique (qui avait à Toulouse lancé la rumeur selon laquelle le parricide avait été commis pour un différent religieux) la vérité, il la mobilise et se démène, trouve tous les moyens pour l'agiter. Il connaît tous les rouages de la "remarquable mécanique à élaborer les mythes". Ecrivain et philosophe, il mettra sa plume au service de la raison. Il correspondra abondamment avec les ministres, les avocats, les rois et princes étrangers (Frédéric II de Prusse), publiera anonymement des libelles, mémoires, requêtes, et pendant le même temps créé un comité d'enquête chargé d'accumuler les preuves et gérer les fonds de soutien à Mme Calas privée de ses biens. Son Traité sur la tolérance écrit en 1763 à l'occasion de la mort de Jean Calas rencontre un énorme succès et rallie l'opinion Parisienne et Européenne à sa cause et à la raison. Dans ce traité il attaque violemment l'intolérance, le fanatisme grâce à un rhétorique sans failles, un esprit éclairé et cette ironie que l'on retrouve par exemple dans Candide. L'interdiction de cet ouvrage n'empêchera pas les idées philosophiques prônées par Voltaire de se propager.
Ses idées et son "harcèlement épistolaire" poussent le Roi à autoriser la révision du procès à Versailles. Trois ans jour pour jour après l'exécution de Jean Calas, celui-ci est réhabilité à l'unanimité le 9 Mars 1765.
L'affaire Sirven
L'affaire Sirven. Voici qui donna à Voltaire l'occasion de renouer avec son rôle d'avocat. Les Sirven, une famille de protestants, sont condamnés à mort en Janvier 1762 pour le meurtre de leur enfant qui s'est suicidé. Cette affaire semble être la réplique de l'affaire Calas: une famille protestante condamnée pour le meurtre de leur enfant suicidé. Voltaire consacrera sept ans à cette affaire. Il demande à Elie de Beaumont, un avocat parisien réputé, de prendre la défense des Sirven, réfugiés à Ferney chez Voltaire. Ainsi la première aide apportée par Voltaire aux Sirven est une aide matérielle: il les abrite généreusement, pendant qu'il se bat pour leur réhabilitation. En Mai 1765 il alerte Damilaville à Paris. Bénéficiant de son Sceau de commis il publiera lettres et pamphlets à l'abri de la censure. Il publiera également L'Avis public sur les paricides imputés aux Calas et aux Sirven et l'envoie à Frédéric II de Prusse avec lequel ses relations ne se sont pas rencore gâtées, divers princes d'Europe et ses amis parisiens en leur demandant de contribuer à la souscription qu'il lance pour les Sirven. A ces diverses implications écrites s'ajoute donc une aide financière indirecte mais très utile et efficace. Malgré tous ses efforts et tous ses écrits, l'appel présenté au conseil du Roi en 1766 est rejeté. La lettre à Damilaville est très pertinente et met en valeur son indignation "Il semble qu'ik y ait dans le Languedoc une furie infernale amenée autrfois par les inquisiteurs [...] et que depuis ce temps elle secoue quelquefois son flambeau" ; "La fureur publique s'en augmente". Voilà une fois de plus la cible de Voltaire: le fanatisme, les idées révélées dont les conséquences se révèlent tragiques et monstrueuses "Il m'est impossible de vous peindre tant d'innocence et de malheur".
Cependant, fidèle à lui-même, Voltaire ne baisse pas les bras et continue son combat. Il est plus impliqué que jamais et lnce une "campagne de presse" en espérant que le public influencera le conseil du Roi, c'est le "concert des âmes vertueuses". En effet, la pression exercée par l'opinion publique peu à peur ralliée à la causedes Sirven commence à se faire sentir. Un nouveau parlement installé à Toulouse réexamine le dossier. Lors, le chancelier nommé Maupéou acquitte les Sirven.
Voltaire a su manier, presque en historien et en théologien les lois Romaines et la Bible dont il s'inspire dans ses oeuvres ayant trait aux affaires judiciaires. Celui qui fut surnommé le Christ moderne a mis tous les atouts en son pouvoir pour triompher du fanatisme religieux qui est selon lui aux sources de l'intolérance (ce qui est particulièrement explicite et virulent dans le Traité sur la tolérance et l'article Fanatisme du Dictionnaire philosophique). Lorsque Voltaire s'implique dans une affaire il la remporte toujours même l'affaire Lally dont la victoire survint in extremis quatre jours avant sa mort.
L'affaire Lally-Tollendal
Voltaire reprit du service en tant qu'avocat lorsqu'il défendit le comte de Lally. L'affaire éclate en 1766 alors que Voltaire prend connaissance du traité Des Délits et des Peines du Marquis Cesare Bonnesara de Beccaria (juriste Italien), qui révolutionnera la justice de l'Europe entière. Voltaire, connaissant la réputation de lally dira de lui qu'il est un "homme odieux, méchant homme, si vous voulez, qui mériterai d'être tué par tout le monde excepté par le bourreau".
Une fois de plus, "l'avocat" met sa plume au service de l'opprimé pour que justice soit rendue. Ainsi en 1768, il écrit le Précis du siècle de Louis XV. Comme à son habitude, il correspond beaucoup avec les monarques d'Europe , ses amis de Paris et caractérise cette exécution d'injustice criante. Tout cela était beaucoup mais insuffisant; alors en 1773 le fils illégitime du comte de Lally sollicite Voltaire dans le but de faire casser le jugement de 1766, en conséquence de quoi Voltaire rédige les Fragments sur l'Inde en 1773, qui seront maintes fois remaniés. Cette affaire permet à Voltaire de s'en prendre cette fois-ci à l'injustice: injustice de la condamation car Lally a servi de bouc émissaire, injustice de la sentence car trop cruelle et expéditive maintenant qu'est paru le traité de Beccaria, salué et reconnu par les philosophes français et ceux de l'Europe entière. Celui-ci s'érigea contre un système pénal périmé et propose un nouvel ordre juridique en rupture avec les traditions médiévales. Il dénonce le recours à la torture comme moyen d'instruction, la cruauté disproportionnée des châtiments, à commencer par la peine capitale, l'arbitraire des juges; etc. Cependant Beccaria souhaite laïciser le droit pénal, ce à quoi les idées de Voltaire font écho (Voltaire cita Beccaria et le commenta). On peut supposer que le peuple, enthousiasmé par l'oeuvre de Beccaria, se prit d'intérêt pour cette affaire et contribua à son avancement.
Voltaire obtint une première victoire, juste récompense de ses eforts, lorsqu'il réussit à faire réviser la sentence. Cependant cela demanda douze années au total pour que le parlement casse l'arrêt prononcé en 1766 contr le comte de Lally. Ainsi en Mai 1778, à l'article de la mort, il apprend le nouvelle de sa victoire. Son talent et son implication ont une fois de plus triomphé d'une tête de "l'Hydre" des maux ravageant la société du XVIIIème siècle que celle-ci essaie de mettre à terre grâce à la diffusion de ses idées philosophiques.